Nous rendons visite à la famille Hanka et Pavel qui habite à Detkovice (un petit village a 7km de Prostejov). Hanka est une copine du lycée de Eva.

Dans une ferme collective (quel est le statut juridique? druzstvo?) de 2000 hectares, Pavel a commencé sa carriere à l'époque communiste déja dans le secteur des vergers où il a, depuis son plus jeune âge, exercé tous les métiers. Il accompagnait depuis toujours son papa au verger et se rappelle que dès ses quatre ans il savait qu'il serait arboriculteur. Il est passionné et répond volontiers à nos questions.

Les opérations se font pour 90 % d'entre elles à la main. Les vergers de pomme et de poire couvrent 78 hectares. Pavel est aujourd'hui chef d'équipe. Il dirige et organise le travail d'une bonne dizaine d'ouvriers permanents. Depuis 9 ans il a succédé à son père sur le même poste. En saison de cueillette il embauche 40 saisonniers et en période de taille 10 saisonniers en plus des permanents.


Pavel est né au village. Il a toujours connu cette ferme qui était propriété d'état. Après la chute du mur ces grandes exploitations ont été soit restituées aux propriétaires privés expropriés par la collectivisation dès 1948, soit vendues à de nouveaux acquéreurs. Qui sont-ils, comment ont-ils pu acheter, rétrocession, investisseurs étrangers... voilà d'intéressantes questions auxquelles nous ne répondrons pas ici. Il faudrait plus d'une seconde séance de questions. Spontanément ces sujets ne viennent pas sur la table. On pourrait s'intéresser aussi aux rémunérations, et tout ce qui fait une carrière pour un travailleur... Nous apprenons seulement que certains anciens propriétaires ont revendiqués leur droit à la restitutions des terrains et bâtiments. Aussi ils leur ont été rendus et aujourd'hui forment les activités voisines non agricoles (un ferrailleur par exemple).


La ferme est divisée en plusieurs secteurs. Un secteur de grandes cultures blé, avoine, maïs, colza... un autre élevage de 1000 veaux pour la viande (on ne parle pas des génisses?), et un autre élevage compte 600 vaches à lait. On visitera les locaux plus tard.


Au verger ce sont 10 variétés de pomme et 5 variétés de poire qui sont cultivées. C'est suffisant pour diversifier, organiser un calendrier de cueillette et de vente à la grande distribution; on parle de milliers de tonnes... On se demande ce qu'il en est des maladies et autres pestes de l'arboriculture...


En passant entre les arbres, en voiture, Pavel nous explique que les petites pommes sont au sol car elles viennent d'être de-sélectionnées pour ne garder que 20% des fruits sur chaque arbres. L'arbre ne pourrait en supporter plus. Il explique encore que la floraison se fait en deux étapes très rapprochées. La premières floraison 3 ou 4 jours avant la seconde fait apparaitre ce qu'on appelle la fleur des rois. Plus tard les fruits qui viendront remplacer ces fleures seront légèrement plus gros. Quand les fruits sont à la taille de 10 mm, il est possible de faire un traitement chimique qui fait tomber les secondes fleurs. Cette année la saison étant avancée, les arbres stimulés ont fleuri généreusement et n'ont pas respecté ces quelques jours de différence. Le traitement chimique pour diminuer le nombre de fruits est devenu impossible et l'on a du mettre au sol les pommes plus tard et à la main. Nous demandons si l'effet des gelées peut réaliser cette sélection. Pavel nous dit que les gelées peuvent détruire la moitié de la récolte. Nous comprenons que tout est question de timing.


Nous n'avons pas parlé de pollinisation, ni des auxiliaires...abeilles, insectes...


besoins en eau

Sur une seconde parcelle trône une piscine de 20 mètres de diamètres et de 3 ou 4 mètres de haut. On descend de la voiture, parce qu'il y a un truc à vérifier... Au pied de la réserve d'eau un puit de 80 mètres et une pompe tourne en continu pour remplir la réserve de 1000 m3.

Tous les arbres sont équipés de goutte à goutte. Pavel explique que cette région n'est pas pluvieuse. De plus il ne pleut bien souvent pas au moment où les arbres ont besoin d'eau. Puiser et arroser est indispensable, j'allais dire une solution, pour obtenir une récolte.

Selon les variétés, les pommiers donnent 40 tonnes à l'hectare (de 30 à 50 pour les pommes, de 15 à 30 tonnes pour les poires). A la question de quelle quantité d'eau est nécessaire Pavel dit qu'il l'ignore. Tout ce qui est puisé est arrosé, il estime qu'il pourrait y avoir plus d'eau. Il est d'ailleurs prévu de creuser un autre puit un peu plus loin. Pour comparaison dans le nord de l'Andalousie les citronniers et les orangers ont besoin de 8000 m3 par hectares (pluie et arrosage compris, l'arrosage apportait là bas 5000 m3 par hectare).

Pavel nous montre des parcelles plantées récemment, ici 100 000 arbres, là 5 000.


Protection

Pour protéger les arbres de la grêle les équipes sont en train d'installer une structure qui permettra de poser des voiles de protection. Le coût de cette protection est de 450 000 Kc par hectare. Chaque hectare produit 80 tonnes de pommes. Le voile a une durée de vie de 20 ans. Le coût de cette installation est de 280 Kc par tonne..... ou 0,04 kc par pomme. Obsédés que nous sommes par la réduction des produits phytosanitaires, nous demandons si cette protection sera favorable à cette économie. Pavel estime qu'au contraire les protections créeront un micro climat défavorable à la réduction.... je n'ai pas compris pourquoi. Le micro climat serait-il favorable aux insectes, aux moisissures, par confinement????


Quelques chiffres:

le tracteur pour pulvériser coûte 1 million de couronnes soit 40 000€

la remorque de cueillette compte 4 ou 6 postes de travail. Elle avance automatiquement entre les arbres fruitiers, à condition que les rangs des arbres soient régulièrement espacés. Sur la ramasseuse six petits tapis roulants équipés de "doigts" en cautchuc pour transporter le fruit comme dans le coton; un par cueilleur, les tapis regroupent les pommes vers les caisses: 1,5 million de couronnes

Il faut 4000 caisses pour faire la récolte et le stockage dans les chambres froides. Chaque caisse coûte 75 euros (1875Kc). Une charge de 7 500 000Kc pour les caisses. Un investissement pour 10 ans; soit une dépense annuelle de 750 000Kc. Sur les aires de stockage on voit des montagnes de caisses en plastique et des caisses anciennes en bois. ces dernières servent aujourd'hui à ramasser les fruits abîmés ou déclassés destinnés à devenir des jus et autre purées dans une usine agro-alimentaire.

La cueillette rapporte 40 tonnes de pommes par hectares, elles sont vendues à la coopérative de distribution 17kc le kg. La société de Detkovice et 32 autre producteurs sont associées dans une coopérative de distribution (Czechfruit? le nom oublié) ou tous apportent leur récolte, ce qui permet à celui-ci d'assurer un approvisionnement continu des centrales d'achat. Une partie, environ 50 tonnes (?le chiffre pas sûr), est aussi vendue en directe. Dans la salle de vente sont empilées des caisses plus petites, une balance, des panneaux pour décrire les fruits.

Si on ne compte que la vente au prix du grossiste cela donne un chiffre d'affaire de 680 000 kc par hectare. Pavel indique que cette année ils attendent 2000 tonnes de pomme à 40 tonnes l'hectares, ça nous fait 50 Ha; attention la production est variable selon la variété. Elle va de 30 à 60t/ha pour les pommes et de 15 à 30t/ha pour les poires. Les variétés de faible production sont très gustatives grâce à quoi elles sont maintenues. Les 40 tonnes/ha sont à prendre comme une moyenne. Nous ne savons pas combien il y a-t-il de surfaces de poires. 2000 tonnes à 17 kc le kilo= 34 milions de kc. Il faut 25 kc pour faire un euro, nous savons que le verger comprend 78 hectares, la récolte de pomme rapportera un chiffre d'affaire annuel de 1,36 millions d'euro.


Il nous manque quelques chiffres pour avancer un calcul. Il me faudrait le montant des investissements, les chiffres d'affaire, le nombre d'emploi, la masse salariale.


Maladies et nutriments: Chimie ou Aides naturelles

Ce que nous dit wikipedia: La maladie la plus redoutée est "strupovitost"= la tavelure de la pomme, causée par le champignon Venturia inaequalis sur les feuilles ainsi que les fruits. Il peut créer sur les fruits des tâches nécrosées et de consistance dures.


Revenons a notre enquete: 15 traitements sont administrés chaque saison, pour un coût total entre 25 à 30 000 kc par hectare. fongicides, insecticides, engrais... Ce coût rapporté à la production moyenne de 30 tonnes/ha et au prix de vente 17000 Kc/t représente 1/20 du chiffre d'affaire. Ces coûts sont hors main d'œuvre et gasoil, c'est ce qui coûte le plus cher, insiste Pavel, et c'est pourquoi un passage de tracteur est systématiquement programmé pour effectuer plusieurs traitements; soins, apports.


Note à partir des chiffres totaux de produits phytosanitaires utilisés en France nous pouvons calculer le coût à 30 000 euro/t des produits de traitement (source le site Observations et statistiques du Ministère français de la transition écologique et solidaire les données de 2010, publiés en 2018. Les vendeurs étant mondialisés (ce que nous regrettons), nous supposons que les prix sont les mêmes dans les différents pays européens.


Donc 27 500 Kc : 25 (conversion 25 couronnes/1euro) = un peu plus de 1 000 euro par hectares

soit 33kg de produit phytosanitaires par hectare

pour une productivité de 30 tonnes de pomme/ha => 1 gramme de produit phytosanitaire par Kg de pomme (Attention, ça ne représente pas les résidus des produits qu'on peut retrouver et consommer dans les fruits...).


D'après les mesures faites par un laboratoire indépendant et certifié, les pommes qui sont cultivées ici contiennent en quantité seulement la moitié des résidus autorisés par la norme (LMR limite maximale de résidus; MLR abréviation tchèque. Pour la pomme voir le site fao.org/fao-who-codexalimentarius/codex-texts:dbs/pestres/commodities-detail/fr/?c_id=139). D'après les informations et les listes de produits et pour chacun la limite admissible, on comprend que ces limites par produit sont cumulables. Il y a une trentaine de produits. Pavel nous dit qu'en Slovénie on fait un traitement tous les 4 jours. Il explique que la bas la chaleur et les précipitations, l'humidité sont la cause de ce nombre de traitement. Les pluies lessivent rapidement les traitements et leur efficacité s'en trouve réduite. Pavel insiste sur le fait que son verger s'est engagé à diviser par deux les produits phytosanitaires et en effet ce sont les résultats obtenus. En plus de celui-ci, d'autres vergers en Tchéquie pratiquent cette culture dite intégrée ( ça fait penser à l'agriculture raisonnée) et ont créé un groupement le SISPO (à consulter le site web éponyme);

En questionnant Pavel sur les produits utilisés; il répond qu'il s'agit des produits des marques Bayer, Basf, Syngenta.


Ce serait intéressant d'obtenir un rapport d'analyse. On pourrait comparer avec un rapport des vergers bio de Ohain. Peut-être faut-il entrer en contact avec un laboratoire?


Conservation:

les fruits sont conservés en chambre froide sous atmosphère contrôlée: 1,5% d'oxygène, 2,5% de CO2 et 96% d'azote (dusik, N). Le murissement est ainsi stoppé et le fruit conservé pendant plusieurs mois. Inutile de dire que les chambres sont étanches et sérieusement barricadées pour éviter tout accident; deux bouffés de cet air azoté sont fatales pour l'homme. Le sérieux des mesures de sécurité est assuré par un ordinateur qui maintient fermé les portes en fonction du taux d'oxygène mesuré dans la chambre. Les chambres imposantes étaient vides lors de notre visite de juin; les dimensions 8m de haut, 10 de large et 40 à 50 mètres de long. Tout cela barde d un revetement genre PVC.

Sur la maturité du fruit, Pavel nous dit qu'il existe une maturité de cueillette et une maturité de consommation. Au moment de la cueillette les fruits sont assez dure pour supporter le transport en caisse. Étonnamment les pommes sont plus fragiles que les poires à la maturité de cueillette.


Transport, lavage et tri des fruits

En début de chaine de nettoyage et tri, les caisses pleines de pommes sont plongées dans un bassin d'eau. Les fruits s'abîmeraient si on renversait la caisse. Les fruits étant plus légers que l'eau, ils flottent et peuvent être transportés en douceur par voie d'eau jusqu'au différents postes de brossage et lavages. Les fruits sont ensuite transportés délicatement et scannés un par un pour le tri selon plusieurs calibres. Une inspection visuelle non automatisée, faite par un opérateur (une opératrice) est nécessaire pour écarter les fruits impropres à la vente, taches trop large ou en trop grand nombre, etc.. Ce travail se fait en hiver. Pavel témoigne que ces postes de travail sont pénibles: les fruits sont froids pas loin de 1 degré, l'atmosphère de la salle de tri est en moyenne à 8 degrés Celsius.

Nous supposons que cette opération est faite avant le stockage.


La densité des poires étant légèrement plus élevée que celle de l'eau, il faut saturer l'eau de sel pour les transporter. En début de chaîne, un bain de la densité de la mer morte est fabriqué grâce à l'ajout d'une centaine de kg de sel dans le bac... Je me demande comment les fruits sont débarrassés des sels. Il est vrai que les fruits ne sont pas des éponges et ne restent plongés qu'un court instinct. Je me rappelle aussi avoir observé que les fruits sont naturellement comme enduits d'une cire.... Le brossage est sans doute suffisant pour lui donner un aspect et un goût de poire.


Cette chaîne de tri et lavage est assez imposante et doit être assez coûteuse. Pour les besoins d'une petite exploitation (notre modèle de verger a taille humaine c'est le verger bio de Ohain) On peut sans doute imaginer une chaine plus simple où le tri serait entièrement visuel.